J'ai constaté avec stupéfaction que M.Welles se souvenait, malgré notre déjeuner fort copieux la veille, que c'était là mon plat favori, perfectionné par le grand Paul Bocuse avant qu'il ne se compromette dans la cuisine minceur*, une fumisterie encore pire que la psychiatrie. (p.17)
Après avoir préparé mon dîner, un simple sauté de poulet à l'espagnole, je pars faire une longue promenade dans la nature sauvage avec le fantôme de ma chienne Rose, décédée cet été des suites de mon inattention, car je me remettais de la tournée promotionnelle. En proie à l'un de ces splendides errements de l'esprit et de l'imagination, j'aperçois parfois Rose au cours de mes promenades. Elle file à travers le paysage, setter blanc se détachant sur la verdure, à la recherche d'oiseaux fantômes. (p.125)
Dans les articles et lettres de France se dessine Christine Campadieu (voir Le sorcier et la luciole par Christine Campadieu) :
Autre raison de ce voyage à Collioure, j'avais vu un film extraordinaire sur le vignoble de Christine Campadieu et de son mari, Vincent Cantié, le Domaine de La Tour Vieille. Par chance, mon ami œnologue Peter Lewis avait l'intention d'écrire un article sur les bars à vins français, et nous avons donc décidé de voyager ensemble comme nous l'avions déjà fait lors de ce que nous appelions par euphémisme nos "tournées consacrées aux vins et à la bonne chère". (p.136)
Publié un an après la mort de l'écrivain, ce livre n'apprendra pas grand chose aux habitués de Jim Harrison mais a le mérite de lever le voile sur certaines parts d'ombres sur son état de santé (il n'était pas dupe de ses excès) et de ses déboires pécuniaires tout au long de sa carrière. Et toujours avec un humour tranchant (comme un couteau) et généreux.
Je ne voulais pas tomber raide mort à Hollywood pour que les producteurs me violent et fasse disparaitre mon corp. Deux ou trois de mes films se sont élevés au-dessus du marigot habituel, mais pas de quoi envoyer une lettre enthousiaste à sa maman. D'ailleurs, elle était convaincue que cet endroit était immoral et que j'étais complètement cinglé. Sur ces deux points, elle avait raison. Il y avait là-bas tellement d'alcool, de drogues, d'argent et de belles femmes. j'ai dit à maman que le monde du show-biz n'était pas une cathédrale. je me suis révélé bien trop fougueux et je n'ai jamais touché un seul sou sur les bénéfices réalisés par Légendes d'automne. Je me suis remis de cette déconvenue en pêchant, marchant, observant les oiseaux, en écrivant de la poésie, en faisant d'innombrables siestes et en parlant à mes chiennes. (p.356)
- titre original : A really big lunch
- traduit de l'anglais (américain) par Brice MATTHIEUSSENT
- 345 pages
- illustration : Giorgio Campolungh "Setter"